• PARTIE II

    Les procédés humoristiques sont aussi divers que les visées des auteurs.

     

    a) Les œuvres contemporaines viennent dénoncer des faits d’actualité.

     

    Dans Le Dicateur, le gag est omniprésent, rien qu’en commençant par la première phrase du film « Toute ressemblance entre Hynkel et le Barbier juif est purement fortuite ». Cette citation est bien évidemment ironique et nous plonge déjà dans le comique puisque le barbier Juif et Hynkel sont joués par la même personne (Charlie Chaplin), et que presque aucun effort de maquillage ou de costume ne sont mis en œuvre pour les différencier. De plus, Hynkel, comme dit précédemment, est une caricature d'Hitler.

     

    PARTIE II – Les procédés humoristiques sont aussi divers que les visées des auteurs

    Lors de son discours au début, il fait de grands gestes inutiles et exagérés (comique de gestes). Il est agressif et hurle; il hurle tellement fort qu'il finit par tousser à certains moments. Il est également beaucoup mis en valeur, et est plus visible que son armée. Il parle dans une langue inventée, qui est une parodie de l'allemand, Et lorsqu'il parle des Juifs, les micros se courbent. Cela symbolise la violence de ses propos. Il y a une traduction de son discours : la voix traduisant parle de façon ironique et légère alors que le discours est très agressif. Le salut Nazi est également parodié.

     

     

    Cependant, une fois qu'il est dans son Empire, Hynkel est représenté comme un homme efféminé avec des gestes maniérés qui change vite d'occupation: il se prend pour un pianiste alors qu'il n'en est pas un, puis après il essaye de séduire sa secrétaire mais tout de suite cette activité l'ennuie.

    Il est représenté comme un homme n'ayant pas la prestance d’un empereur, qui joue un rôle qui ne lui va pas et qui s'entoure d'intendants inefficaces qui cherchent à créer de nouvelles inventions mais qui sont au final toujours défectueuses. Hitler est donc représenté de façon ridicule.

     

                Tous les procédés comiques sont utilisés : le comique de situation (comme le quiproquo à la fin du film où les soldats prennent le barbier pour Hynkel), comique de caractère (par exemple la personnalité de Hynkel qui est agressif lors de ses discours mais plutôt efféminé en dehors), comique de mots (comme la langue fictive dans laquelle parle Hynkel lors de ses discours), comique de gestes (les grands gestes aussi nombreux inutiles de Hynkel au début du film) et comique de mœurs (critique sociale qui reste superficielle).

     

     

     

    Le dictateur est en quelque sorte une parodie de la seconde guerre mondiale dans son ensemble : les pays nommés Tomanie, Osterlich, et Bactérie sont imaginaires mais font bien sûr référence à l'Allemagne, à l'Autriche et à l'Italie. Les dictateurs présents sont également des caricatures de vrais dictateurs (Hynkel est une représentation d’Hitler, et Napolini représente Mussolini.) Le ministre de la propagande Goebblels et le ministre de la guerre Goering sont également caricaturés par les personnages de Garbitch et Hering (qui signifie « hareng » en anglais). Tous ces noms renommés sont également des comiques de mots.

    Les symboles nazis sont également modifiés : deux croix remplacent la croix gammée. Il s'agit peut-être d'une coïncidence, mais en anglais, « double cross » (double croix) renvoie aux notions de trahison et au contre-espionnage à l'initiative des Britanniques durant la Seconde Guerre mondiale.

     

    PARTIE II – Les procédés humoristiques sont aussi divers que les visées des auteurs

     

    Dans la nouvelle Les Fourmis, le soldat semble presque inconscient de ce qui se passe réellement autour de lui. Toute l'horreur semble d'une macabre banalité :

    « J'ai couru ensuite dans le bon sens et je suis arrivé juste pur recevoir une jambe en pleine figure. J'ai essayé d'engueuler le type, mais la mine n'en avait laissé que des morceaux pas pratiques à manœuvrer, alors ignoré son geste, et j'ai continué. »

    Sa naïveté fait elle aussi partie des éléments risibles. Il dit le fond de sa pensée et n’hésite pas à employer un vocabulaire familier : « le type », « le pruneau », « engueuler », « beugler »…

    Ce ton décalé, entre la naïveté du soldat et la violence des combats qui est terrible (« morceaux de types », « les morceaux de sa figure ») crée l’ironie.

     

    « Le lieutenant est revenu, il tenait sa tête à deux mains et sa coulait rouge de sa bouche. Il n’avait pas l’air content et il a vite été s’étendre sur le sable, la bouche ouverte et les bras en avant. Il a dû salir le sable pas mal. C’était un des seuls coins qui restaient propres. »

     

    Non seulement la naïveté du narrateur est presque enfantine, mais cette ignorance amène bien vite l’humour noir, comme dans cet extrait ci-dessus…

    Cette banalisation de la violence au travers des yeux du soldat narrateur souligne toute l’absurdité de la guerre, sa bêtise et son horreur.

    Toutes ces descriptions peu ragoutantes (« tas de types », « morceaux »…) viennent renforcer l’horreur, faisant des Fourmis une véritable dénonciation.

     

     

     b) Le recul historique permet de rire en enseignant sur des faits passés d’une grande ampleur.

     

    La dérision, dans le domaine de l'humour sur la politique, est d'une redoutable efficacité. Deux scènes, dans La vie est belle, représentent bien ce fait.

    Pour la première scène : Guido et son ami, perdant le contrôle de leur voiture, arrivent en trombe dans un village. Pour ne pas écraser la foule qui attend le roi, Guido tend le bras pour la disperser, il y a confusion et tout le monde lui répond par le salut fasciste. En quelques minutes, la relation entre fascisme et mouvement de masse sont établies, le tout dans un éclat de rire.

    Ce rire, nous le retrouvons dans la seconde scène ou Guido, pour démontrer la supériorité de la race italienne à des élèves d'école primaire, s'offre en exemple. Là encore, beaucoup de justesse...

    Les situations d'un humour extravagant, les excès de langage... Le rire naît de l’inversion des rôles. L’euphémisme est drôle et peut mettre mal à l’aise. Il y a le pouvoir du sous-entendu. Pour faire rire : il faut bien connaître son sujet, le rire travaille sur les préjugés et les stéréotypes.

    Au lieu de s’offusquer du fait que les juifs soient rabaissés au niveau d’animaux, il explique à son fils que chacun a le droit de choisir qui il veut chez lui, que certaines boutiques interdisent l’entrée « aux espagnols et aux chevaux » ou « aux chinois et aux kangourous » et s’empresse d’ajouter qu’il va immédiatement interdire sa librairie « aux araignées et aux wisigoths ».

     

    PARTIE II – Les procédés humoristiques sont aussi divers que les visées des auteurs

     

    Une fois lui et son fils déportés, Guido s’improvise traducteur du règlement du camp qui est annoncée par un SS. Ne connaissant absolument pas l'Allemand, il va alors inventer les règles d’un jeu pour son fils : manger le moins possible, se cacher de tous, etc… Le but de ce jeu imaginaire est d’obtenir 1000 points le premier, et le prix donné au vainqueur sera un char d’assaut.

    Dans cette scène, Guido créer une imitation comique et invente pour son fils les règles d’un jeu qui vient en quelque sorte remplacer la réalité du camp pour tenter de préserver ce petit garçon de celle-ci. Cette intrigue repose sur deux principes: l’improvisation dans laquelle l’exubérance de Guido sert à sauver son fils de situations critiques, d’autre part, la fiction inventée par le père est maintenue par une série de quiproquos (erreurs qui consistent à prendre une personne ou une chose pour une autre). Grâce au jeu de Guido, le film parvient à faire rire même à l’intérieur du camp de concentration. Ainsi, dans cette scène, le décalage entre les véritables propos de l’officier et leur traduction par Guido crée le rire, et ce rire est nourri par les réactions de Giosué (l'enfant). C’est le comique de mots qui est utilisé ici.

     

     

    Pourquoi utiliser l'humour dans cette scène ? Le rire est comme une arme face à l’inhumain. Benigni a amené l’humour jusque dans des endroits qui paraissaient inaccessibles : les camps d’extermination et leur réalité. Ainsi, peut-on se questionner sur la présence du rire dans un tel endroit ? Cette partie du film montre la confrontation entre le rire, avec les figures de style destinées à le susciter, et la négation de l’humanité du système sur la concentration. Le rire est ainsi mis en tension, et ce contraste dénonce une absurdité de l’antisémitisme.

    Benigni a dit : « Le comique n’existe pas sans le drame, justement à cause du contraste produit par deux concepts opposés. »

     

    Roberto Benigni fait dans son film appel à une gradation dans la violence, qui finit avec l’horreur des camps. Le contraste entre le début et la fin, la légèreté, les blagues de Guido et l’horreur des camps, ainsi que le contraste entre des bourreaux cruels qui ont perdu tout sens de la réalité et des victimes qui veulent simplement vivre en paix saisit le public. Ainsi La vie est belle prend l’apparence d’une sévère critique de l’idéologie partagée par les nazis et les fascistes.

    Cependant le film va plus loin, et c’est ce qui le rend si particulier : il ose amener l’humour jusque dans les camps de concentration, ce qui paraît pourtant impossible…